RADIGUET, Raymond (1903-1923)

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€ 352 800
AuktionsdatumClassic
22.11.2023 14:00UTC +02:00
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CHRISTIE'S
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Frankreich, Paris
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ID 1079592
Los 166 | RADIGUET, Raymond (1903-1923)
RADIGUET, Raymond (1903-1923)

Le Diable au Corps. Manuscrit autographe, non signé, daté « samedi 20 août 1921, 5 heures du soir ».

13 cahiers d’écolier (217 x 170 mm) : 11 cahiers de 10 feuillets numérotés de 1 à 11 (le cahier 5 compte seulement 7 feuillets), 1 cahier de 20 feuillets numérotés 11 bis (un second cahier de 10 feuillets, sans couverture, est glissé à la suite du premier) et 1 cahier non numéroté de 34 feuillets (24 feuillets volants sont glissés à la suite d’un cahier de 10 feuillets). Sur ces 161 feuillets, tous sont écrits au recto sauf 7 restés vierges au cahier 11, et 87 feuillets présentent des écritures au verso (allant de quelques mots à une page entière), soit un total de 241 pages écrites dans des proportions variables. Encres noire et bleue sur papier. Très nombreuses ratures, corrections, ajouts, passages barrés ou caviardés et réécrits. Taches d’encre. [Joints :] une photographie de Radiguet en 1919 (84 x 56 mm), une photographie de Radiguet et Cocteau au Piquey, en 1923 (128 x 80 mm) et une carte postale portrait-charge de Radiguet en toréador (140 x 90 mm). Chemise et étui demi-maroquin bleu nuit, titre doré au dos.



EXCEPTIONNEL MANUSCRIT DE TRAVAIL DU « CHEF D’ŒUVRE DE PROMESSES » (Cocteau) DE RADIGUET



Cette année marque le centenaire de la publication du Diable au corps, roman psychologique à la fois “brûlant et chaste” (Lacretelle) contant l’amour passionné et cruel d’un lycéen pour une femme dont le fiancé est au front. Immense succès et scandale à sa parution, ce livre constitue le chef-d'œuvre de son auteur, disparu prématurément à vingt ans. Ce tout premier manuscrit, écrit alors que Radiguet fête à peine ses dix-huit ans, vient éclairer la naissance du récit : les 13 cahiers d'écolier livrent la version la plus brute du Diable au corps, abondamment corrigée par l'auteur et annotée par son compagnon et mentor Jean Cocteau, révélant des similitudes troublantes entre le jeune écrivain et son héros.



Né en 1903 à Saint-Maur-des-Fossés, Raymond Radiguet passe son enfance sur les bords de la Marne, qui constitueront le décor du Diable au corps. À quatorze ans, alors qu’il apporte les dessins de son père, caricaturiste, au journal L'Intransigeant, il rencontre André Salmon et le persuade de publier ses propres dessins. La même année, il devient secrétaire de rédaction de deux hebdomadaires satiriques. En 1918, il se lie d’amitié avec Max Jacob et publie plusieurs poèmes et saynètes – alors signés Raimon Rajky – dans Le Rire rouge, Le Canard enchainé ou encore Sic. C’est en août 1921 qu’il s’attelle à la rédaction du Diable au corps, lors d’un séjour au Piquey, sur le bassin d’Arcachon, en compagnie de Cocteau. La première lecture du manuscrit a lieu chez Valentine Hugo le 30 janvier 1922. Bernard Grasset entend parler du livre via Edmond Jaloux, secrétaire général du prix Balzac, et écrit à l’auteur quelques mois plus tard : “Mon cher ami Jean Cocteau me dit que vous auriez un manuscrit de roman tout prêt et que c’est une chose admirable. Seriez-vous disposé à me le communiquer dès maintenant ?” (23 février 1922). Le rendez-vous est pris le 3 mars ; Cocteau lit les premières pages du roman devant un éditeur enthousiaste et moins de dix jours plus tard, le contrat est signé. Dans la foulée, Radiguet s’attelle à l’écriture de son second roman : Le Bal du comte d’Orgel. Il dépose la version définitive du Diable au corps chez Grasset en janvier 1923, et le livre est publié en mars. La publicité orchestrée par l’éditeur déchaîne les passions, le livre fait scandale et le succès est immédiat : en une semaine, le premier tirage est épuisé. Radiguet est présenté comme “un romancier de dix-sept ans” dans toutes les librairies, son portrait aux côtés des piles de livres, et on le voit même au cinéma dans un spot de la rubrique “Gaumont actualités”. Loin de s’offusquer des méthodes inédites déployées par Grasset, l'auteur s'en réjouit : “Tous les écrivains comprendront mon plaisir à trouver réunis en un seul homme, deux éditeurs qui m’avaient toujours paru inconciliables : celui qui aime d’amour l’œuvre qu’il édite et celui qui lance les livres.” (Les nouvelles littéraires, 10 mars 1923) En mai, le roman reçoit le prix du Nouveau Monde, récompense contestée par l’Association des Écrivains Anciens Combattants. À l’automne, Radiguet entreprend la correction des épreuves du Bal du comte d’Orgel, avant de succomber à une fièvre typhoïde dans la nuit du 12 décembre, âgé de seulement vingt ans.



LA GENÈSE DU DIABLE AU CORPS : PREMIER MANUSCRIT, TRÈS CORRIGÉ, ANTÉRIEUR À CELUI CONSERVÉ À LA BNF



Si Radiguet commence à prendre des notes et rédige quelques anecdotes pour le roman dès 1919, c’est en août 1921 qu’il s’attelle à la rédaction du livre dans son ensemble. Il séjourne alors à l’hôtel Chantecler, au Piquey, en compagnie de Jean Cocteau, qui écrit à Valentine Hugo à la fin de l’été : “Radiguet a déjà écrit 120 pages d'un roman qui ne peut, selon moi, se comparer qu'aux Confessions ou à La Princesse de Clèves.” (29 août 1921) Ces 120 pages mentionnées par Cocteau correspondent exactement au nombre de feuillets écrits au recto des douze premiers cahiers du manuscrit (10 cahiers de 11 feuillets écrits au recto et 1 cahier de 20 feuillets, moins 3 feuillets au cahier 5 et 7 feuillets restés vierges au cahier 11), le dernier cahier étant le seul non numéroté et écrit d’une encre différente, sans doute après la date d'écriture de la lettre. Sur l’ensemble des cahiers, le texte est écrit au recto, les pages de gauche étant réservées à la réécriture ou l’ajout de certains passages – organisation reprise dans les manuscrits postérieurs. Dépourvu de titre, ce manuscrit est daté du 20 août 1921, 5 heures du soir, sur la première page du cahier n° 1, et comporte de nombreuses ratures et corrections. Les 13 cahiers d’écoliers – support favori du jeune écrivain – sont recouverts d’une écriture dense et instinctive, l’auteur biffant de nombreux passages et les réécrivant fiévreusement en marge ou sur la page en regard. Les passages barrés laissent voir une tout autre version du Diable au corps que celle publiée en mars 1923, avant les relectures pointilleuses de Bernard Grasset qui incita Radiguet à retravailler le texte pour en corriger les imperfections. Ce manuscrit de travail s’arrête juste avant l’annonce de la grossesse de Marthe ; il précède le manuscrit conservé à la BnF, ayant pour titre “L’âge ingrat” et constituant une mise au propre du roman.



AVEC DES ANNOTATIONS AUTOGRAPHES DE JEAN COCTEAU, QUI ASSISTA À LA RÉDACTION DU MANUSCRIT : “J’ai eu la chance de voir Radiguet écrire son livre comme un pensum pendant les vacances de 1921”, rapporte-t-il dans une conférence donnée au Collège de France en mai 1923. Les deux écrivains s’étaient rencontrés en 1919, par l’intermédiaire de Max Jacob, alors que Cocteau avait vingt-neuf ans et Radiguet quinze, mais prétendait en avoir dix-huit. “Il y a dans l’antichambre un enfant avec une canne”, indiqua la bonne à Cocteau pour annoncer le jeune écrivain. Leur rencontre intervint après la rupture de Radiguet avec Alice Saunier (la Marthe du roman). Rapidement, les deux hommes devinrent inséparables et entretinrent une liaison, en parallèle des amours féminines de Radiguet. Admiratif du génie de son compagnon, Cocteau fut dévasté par son décès et n’eut de cesse de travailler à la reconnaissance de ses écrits. "Il avait la folie de l'enfance et la gravité de l'âge mûr", résuma-t-il à la radio des années plus tard. Dans ce manuscrit, les annotations de Cocteau se font plus présentes à partir du cahier n° 6 : il remplace quelques mots dans le texte, corrige certains verbes ou propose des formulations plus heureuses sur les pages de gauche. La nature de ces annotations confirme son rôle de simple correcteur, et non d’auteur du texte comme on l’en a parfois accusé.



“Je l’enfermais comme un écolier pour écrire ses chefs-d’œuvre […] je l’ai enfermé presque tous les jours pour écrire Le Diable au corps.” (Cocteau, quatrième entretien radiophonique avec André Fraigneau, diffusé le 4 avril 1951)



PREMIÈRE VERSION DE NOMBREUX PASSAGES, AU PLUS PRÈS DES PENSÉES DE L’AUTEUR, METTANT EN LUMIÈRE LA VÉRITABLE PART D’AUTOBIOGRAPHIE DU TEXTE



Dès sa publication, Grasset présentait l’ouvrage comme “le livre d’un enfant qui se voit aux prises avec une aventure d’homme et s’analyse avec une clairvoyance miraculeuse, sans fausse pudeur ni hypocrisie.” Pourtant, selon Radiguet, “tout y est faux” : dans un article paru en 1923 dans les Nouvelles littéraires, l'auteur affirme que “Ce petit roman d'amour n'est pas une confession […] le roman exigeant un relief qui se trouve rarement dans la vie, il est naturel que ce soit justement une fausse biographie qui semble la plus vraie”. Dans le même article, il revendique néanmoins "le droit d'utiliser ses souvenirs des premières années avant que soient arrivées nos dernières". En effet, si certains éléments de l’histoire sont inventés – comme la mort de Marthe – on décèle plusieurs passages inspirés d’épisodes réellement vécus par l’écrivain, et à peine transposés, à l'image du suicide de la bonne des Maréchaud, voisins de Radiguet dont il ne change même pas le nom. Ces similitudes avec la vie de l’écrivain sont encore plus troublantes dans ce premier manuscrit : l’héroïne ne s’appelle pas encore Marthe mais Alice, du véritable prénom de la maîtresse de Radiguet pendant la guerre, Alice Saunier (épouse Serrier). Dans certaines notes en marge, l'auteur et le héros se confondent dans l'usage de la première personne : Radiguet indique dans le premier cahier qu'il donne “quelques mots explications sur les caractères de mon père et ma mère”, ne laissant aucun doute sur la transposition opérée entre ses parents et les parents du héros, et, par suite, entre l’auteur et le héros lui-même. La première page du manuscrit dévoile le premier jet de l’incipit, précédé de quatre lignes barrées, révélant un tout autre début pour le roman : “à l’âge où l’on n’est plus assez suffisamment un enfant et, cependant, rien d’autre, je geignais à l’idée d’une promenade à faire, comme si j’étais le cheval qui eut dû (?) nous porter dans la voiture”. On y décèle déjà l'impatience de Radiguet, n'ayant de cesse de se vieillir, dans la vie comme dans son livre : une chronologie sur la couverture du cahier n° 2 donne l’âge du héros durant chaque année du conflit, l'écrivain se rajoutant un an pour donner au héros du livre douze ans, et non onze, à la déclaration de guerre. L'auteur laisse aussi des commentaires sur l’effet recherché pour certains épisodes, justifiant par exemple les pages relatant la crise de folie de la bonne des Maréchaud par la “poésie” de la scène : “insister sur la “poésie” du spectacle / ce n’est pas l’horreur, c’est la poésie qui fait qu’on ne peut plus en détacher les yeux, même si cela vous fait mal.” Le manuscrit comprend également des passages absents du texte final, ainsi que la formulation première de nombreux passages restés célèbres, à l’image des maximes distillées par l’auteur tout au long du récit :



“La saveur de ce du premier baiser m’avait déçu comme un fruit que l’on goûte pour la première fois. Ce n’est pas dans la nouveauté Ce n’est pas dans la nouveauté, mais c’est dans l’habitude que nous trouvons les plus grands [mot caviardé] plaisirs.” (cahier n° 9, f. 5 recto)



“Il est vrai que celui qui aime est toujours maladroit, agaçant pour agace toujours celui qui n’aime plus.” (cahier n° 9, f.8 recto)



“Nous croyions être les premiers à [passage barré] ressentir certains troubles, ne sachant pas que l’amour est comme la poésie, et que tous les amants, même les plus communs, croient être les premiers à éprouver cela s’imaginent qu’ils inventent.” (cahier n° 11 bis, f. 5 recto)



“Bah ! Me disais-je, c’eut été trop beau. On ne peut pas à la fois choisir le lit et dormir coucher dedans” (cahier n° 7, dernier feuillet recto)



“J’essayais de deviner ses goûts en littérature ; je fus heureux qu’elle connut Verlaine et Baudelaire et ravi surpris charmé de la façon dont elle aimait Baudelaire – qui n’était pourtant pas la mienne – j'y [mot barré] voyais une jeune fille révoltée révolte pas contre ses parents qui l’adoraient mais contre les préjugés principes, excellents, [passage caviardé] de la bourgeoisie dont ils faisaient partie à laquelle ils appartenaient. Ses parents avaient fini par admettre ses goûts, mais [passage caviardé] Alice leur en voulait que ce fut par amour pour elle. Son fiancé [long passage caviardé], dans ses lettres lui parlait de ce qu’il lisait, et [passage caviardé] s’il lui conseillait des livres, il lui en défendait d’autres. Il lui avait défendu défendu de lire interdit “Les Fleurs du Mal”. Si je fus déçu agréablement surpris d’apprendre qu’elle avait un fiancé, je fus heureux me réjouis de savoir qu’elle lui désobéissait, et aussi que ce fiancé fut assez nigaud pour craindre Baudelaire […] Son fiancé lui avait aussi défendu d’aller dans les académies de dessin. Moi qui n’y étais jamais allé, je lui proposai de l’y conduire […] J’étais heureux qu’il y eut se fit un secret entre nous, et moi si timide, me sentais déjà tyrannique avec elle.” (cahier n° 4, ff. 7-9 recto)



Provenance : Roland Saucier (1899-1994), directeur de la Librairie Gallimard du boulevard Raspail de septembre 1921 à mars 1964.



Bibliographie :



Œuvres complètes, édition établie par Chloé Radiguet et Julien Cendres, Stock, 1993 ;

Gabriel Boillat, Un Maître de 17 ans : Raymond Radiguet, La Baconnière, 1973 ;

Monique Nemer, Raymond Radiguet, Fayard, 2002 ;

Chloé Radiguet et Julien Cendres, Raymond Radiguet, un jeune homme sérieux dans les années folles, Mille et une nuits, 2003 ;

Raymond Radiguet, Le Diable au corps ; suivi de Le bal du comte d'Orgel, édition établie par Monique Nemer, Grasset, 2003 ;

Raymond Radiguet, Le Diable au corps, édition critique par Nadia Odouard, Minard, 2007 ;

Cocteau, édition dirigée par Serge Linarès, Les cahiers de l’Herne, 2016, pp. 52-63.





Exceptionnal working manuscript for Radiguet's masterpiece: a fascinating autograph draft for Le Diable au corps (The Devil in the Flesh), written on 13 school notebooks when the writer was 18 years old. This year marks the centenary of the publication of the novel, as well as of the early death of Radiguet at the age of 20. This very first manuscript is extensively corrected by the author and retouched with annotations by Jean Cocteau, with whom Radiguet had an affair. It is prior to the manuscript held by the Bibliothèque Nationale de France. The text and notes in margins reveal a lot of similarities between the author's life and the main character of the novel - shedding a new light on the genesis of this literary masterpiece.

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