DIDEROT, Denis (1713-1784)

Los 13
29.10.2024 14:00UTC +01:00
Classic
AuctioneerCHRISTIE'S
VeranstaltungsortVereinigtes Königreich, London
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ID 1317606
Los 13 | DIDEROT, Denis (1713-1784)
Schätzwert
€ 20 000 – 25 000
DIDEROT, Denis (1713-1784)
Satire contre le luxe à la manière de Perse.
Manuscrit autographe, [circa 1768-1769]

7 pp. in-8 (193 x 155 mm) sur 4 feuillets reliés en cahier. Encre noire. Quelques ratures, ajouts et corrections. (quelques piqures, tache et trou traversant les feuillets avec très légères atteintes au texte)

Diderot sur le luxe : seul manuscrit autographe connu de ce texte politico-philosophique majeur sur la société, l’agriculture et les Beaux-Arts

« Je veux que l’homme travaille. Je veux qu’il souffre. Sous un état de nature qui irait au-devant de tous ses vœux, où la branche se courberait pour approcher le fruit de sa main, il serait fainéant ; et, n’en déplaise aux poëtes, qui dit fainéant dit méchant. »

Sous la forme d’un dialogue faisant intervenir deux personnages aux avis divergents, le philosophe se joint à la controverse sur le luxe qui occupe les esprits des Lumières. Loin de se limiter strictement au sujet, il livre une critique d’ensemble sur la société de son époque, dénonçant nombre d’injustices sociales. Diderot songea d’abord à inclure ce texte dans le Salon de 1767, bien qu’il ne figure pas dans toutes les éditions : “la réflexion sur le luxe n’est nullement incompatible avec l’écriture des Salons. Au contraire, en valorisant un “bon luxe” né du développement de l’agriculture, elle justifie implicitement les Beaux-Arts, et éclaire la portée des propos de Diderot sur les questions économiques, qui sont, chez lui, inséparables de la politique générale et du rôle moteur des Beaux-Arts dans la société.” (Rebejkow, p. 65)

Son éloge de l’agriculture pressent les idées des physiocrates et poursuit un dialogue entre Diderot et ses contemporains - Rousseau est ainsi directement cité par l’un des interlocuteurs, qui fustige le luxe : « Dépouillez-vous donc ; suivez le conseil de Jean-Jacques, et faites-vous sauvage. »

Alors que l’un des personnages propose de se résigner à « un ordre des choses qui pourrait par hasard être meilleur ou plus mauvais », le second s’offusque contre l’argent corrupteur : « Rester ici, moi ! moi ! y reste celui qui peut voir avec patience un peuple qui se prétend civilisé, et le plus civilisé de la terre, mettre à l’encan l’exercice des fonctions civiles ; mon cœur se gonfle, et un jour de ma vie, non, un jour de ma vie, je ne le passe pas sans charger d’imprécations celui qui rendit les charges vénales. Car c’est de là, oui, c’est de là et de la situation des grands exacteurs que sont découlés tous nos maux. Au moment où l’on put arriver à tout avec de l’or, on voulut avoir de l’or ; et le mérite, qui ne conduisait à rien, ne fut rien. Il n’y eut plus aucune émulation honnête. L’éducation resta sans aucune base solide. »

Diderot condamne ce luxe de décoration, « symbole de la richesse des uns, et masque de la misère générale du reste ». Le désir d’argent, la corruption, la démesure dans les dépenses sont pour lui la cause de tous les maux : « On rampa, on s’avilit, on se prostitua dans toutes les conditions. Il n’y eut plus de distinction entre les moyens d’acquérir. Honnêtes, malhonnêtes, tous furent bons. »

« Le luxe ruine le riche, et redouble la misère des pauvres. »

L’un des interlocuteurs s’interroge pourtant sur le lien entre le luxe et les Arts : n’est-ce pas lui qui les finance ? « Ce luxe, contre lequel vous vous récriez, n’est-ce pas lui qui soutient le ciseau dans la main du statuaire, la palette au pouce du peintre, la navette ? » Il n’en est rien, car l’art ne peut être privé de vertu : « Oui, beaucoup d’ouvrages, et beaucoup d’ouvrages médiocres. Si les mœurs sont corrompues, croyez-vous que le goût puisse rester pur ? Non, non, cela ne se peut ; et si vous le croyez, c’est que vous ignorez l’effet de la vertu sur les beaux-arts. Et […] que m’importent vos poëmes divins ? que m’importent vos riches étoffes ? si vous êtes méchants, si vous êtes indigents, si vous êtes corrompus. O richesse, mesure de tout mérite ! ô luxe funeste, enfant de la richesse ! tu détruis tout, et le goût et les mœurs ; tu arrêtes la pente la plus douce de la nature. »

Le philosophe introduit alors une distinction conceptuelle entre deux formes de luxe : « Voilà, sans doute, un luxe pernicieux, et contre lequel je vous permets à vous et à nos philosophes de se récrier. Mais n’en est-il pas un autre qui se concilierait avec les mœurs, la richesse, l’aisance, la splendeur et la force d’une nation ? » Diderot oppose au luxe d’apparat « un ‘bon luxe’ engendré par l’agriculture, car le philosophe garde une nostalgie de la vie antique, où les hommes étaient occupés aux travaux des champs. [...] Ce ‘bon luxe’, ainsi valorisé, favorise le développement des Beaux-Arts, et particulier de la peinture : les peintres attirés par l’or ne pourront que brader leurs compositions, et leur talent. On comprend ainsi que Diderot n’est certes pas hostiles aux Beaux-Arts, et qu’il pense que le bon luxe puisse les encourager.” » (Rebejkow)

Diderot fait l’éloge de « cette bienfaisante agriculture », source de toutes les richesses : « L’agriculture, voilà le fleuve qui fertilisera votre empire. Faites que les échanges se multiplient en cent manières diverses. Vous n’aurez plus une poignée de sujets riches, vous aurez une nation riche. » Dans cet Etat fertile, le philosophe s’interroge : « que m’importent ces monuments fastueux ? Est-ce là le bonheur ? La vertu, la vertu, la sagesse, les mœurs, l’amour des enfants pour les pères, l’amour des pères pour les enfants, la tendresse du souverain pour ses sujets, celle des sujets pour le souverain, les bonnes lois, la bonne éducation, l’aisance générale : voilà, voilà ce que j’ambitionne. » Mais où trouver un tel endroit ? Comment réaliser cette utopie ? L’auteur se montre pessimiste : « Où irai-je donc ? Où trouverai-je un état de bonheur constant ? Ici, un luxe qui masque la misère ; là, un luxe qui, né de l’abondance, ne produit qu’une félicité passagère. Où faut-il que je naisse ou que je vive ? Où est la demeure qui me promette et à ma postérité un bonheur durable ? »

Le texte s’achève par une réflexion sur la postérité : « Et ma postérité ? — Vous êtes un insensé. Vous voyez trop loin. Qu’étiez-vous il y a quatre siècles pour vos aïeux ? Rien. Regardez avec le même œil des êtres à venir qui sont à la même distance de vous. Soyez heureux. Vos arrière-neveux deviendront ce qu’il plaira au destin, qui dispose de tout. Dans l’empire, le ciel suscite un maître qui amende ou qui détruit ; dans le cycle des races, un descendant qui relève ou qui renverse. Voilà l’arrêt immuable de la nature. Soumettez-vous-y. »

Il s’agit du seul manuscrit autographe connu du texte. Une copie manuscrite de la Satire est conservée au château de Coppet, en Suisse.
J.-C.Rebejkow, "Diderot, les Salons de 1767 et de 1769 et la question du luxe", Diderot Studies, n° XXIX, pp. 65-82.

Provenance : note manuscrite « Mde d’Epinay » au coin supérieur gauche de la première page. Louise d'Epinay (1726-1783) était une femme de lettres proche des plus grands esprits de son temps ; elle fut l'amie de Diderot, Rousseau et Grimm, qu'elle recevait aux côtés d'autres lettrés au château de la Chevrette puis à Paris.

The only known autograph manuscript of this capital political and philosophical text on luxury.
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8 King Street, St. James's
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