ID 832072
Lot 47 | Jean-Luc Godard (1930-2022)
Valeur estimée
€ 120 000 – 180 000
Le Mépris. Un film de Jean-Luc Godard d'après le roman d'Alberto Moravia.
Manuscrit autographe - 59 pages, à l'encre bleu sur papier, numérotées 1-40, 43, 49 et 67-83, et 24 pages dactylographiées, dont 17 abondamment annotées et corrigées par le réalisateur Jean-Luc Godard.
Daté "Italie Atrie, 63" et "Juin 63".
Ont été reliés au début des fragments de l'affiche officielle montrant le titre du film et le nom de Bardot et, en fin de volume, une note dactylographiée annotée d'Alberto Moravia, une note autographe signée de Friz Lang, sur papier à entête de l'hotel Forum à Rome, une de Michel Piccoli sur un papier similaire, une de Jack Palance titrée "Jerry Prokosh" sur une feuille de bloc-note, et sur un même fragment d'affiche promotionnelle, un mot autographe signée Brigitte Bardot au recto et un de Godard au verso.
Reliure muette de toile beige. Emboitage moderne de demi-maroquin noir et toile rouge.
Autograph manuscript comprising 59 pages and 24 typed pages, including 17 pages with autograph additions and corrections from director Jean-Luc Godard
Bound with signed autograph notes by author Alberto Moravia, actors Friz Lang, Michel Piccoli, Jack Palance and Brigitte Bardot and director Jean-Luc Godard regarding the movie.
Blind contemporary cloth binding, modern half-morocco black box and red cloth.
Encre bleue sur papier
270 x 205 mm
Provenance
Jean-Luc Godard (1930-2022)
Brigitte Bardot (actrice principale du film)
Ghislain "Jicky" Dussart (don de la précédente)
Vente Artcurial, 28 mai 2013, lot 441
Acquis par le propriétaire actuel
Literature
Institut National de l'Audiovisuel et autres nombreuses archives video et radio
Michel Marie, Comprendre Godard, 2006.
Marc Cerisuelo, Le Mepris, 2006.
Post lot text
« Le nouveau film traditionnel de Jean-Luc Godard »
Le manuscrit complet de la première version du film, sans les scènes « de nu » imposées au réalisateur par la production américaine du film.
Seule version manuscrite connue du scenario d’un des films les plus importants de la Nouvelle-Vague et, sans doute, de la seconde moitié du XXe siècle.
Exemplaire de Brigitte Bardot qu’elle offrit à son ami le photographe Ghislain "Jicky" Dussart.
Ce document offre la version intégrale du film, tel que Godard voulait le faire. On y retrouve en particulier la formidable scène de la dispute, 25 minutes de virtuosité cinématographique, entre Brigitte Bardot, « Camille » et Michel Piccoli, « Paul », dont le dialogue, d’après le témoignage d’Anna Karina, est inspiré et même copié, parfois mot à mot, sur des conversations entre elle et Godard, son compagnon de l’époque.
Cette scène à la réalisation tourbillonnante dans cet appartement, ne montre-t-elle pas Brigitte Bardot porter une perruque noire et courte comme la coiffure d’Anna Karina à l’époque ? Il sera ensuite précisé que Michel Piccoli porta un costume de Godard lors de cette scène.
Il est aussi intéressant de constater que la majorité des pages dactylographiées du manuscrit concerne cette scène essentielle du film, preuve d’un important travail de Godard sur cette séquence si particulière, si personnelle pour lui. Cette scène où l’on passe de la méprise au mépris en une fraction de seconde est l’aboutissement du « meta-film » créé par Godard, sa propre histoire dans l’histoire d’un film sur d’un film.
Il faut ajouter que si les dialogues sont intégralement écrits pour cette scène, Godard a laissé la liberté totale à Fritz Lang pour les dialogues de son personnage pour lequel il n’a d’ailleurs pas changé de nom..
Il est d’ailleurs intéressant de constater que la majorité des pages dactylographiées du présent volume concerne cette scène essentielle du film, preuve d’un important travail de Godard sur ce moment particulier, si personnel pour lui. Cette scène où l’on passe de la méprise au mépris en une fraction de seconde est l’aboutissement du « meta-film » créé par Godard, sa propre histoire dans l’histoire d’un film sur d’un film.
Il est par ailleurs amusant de noter que si les dialogues sont intégralement écrits pour cette scène, Godard a laissé la liberté totale à Fritz Lang pour les dialogues de son personnage pour lequel il n’a d’ailleurs pas changé de nom. A la fin du document, l’immense réalisateur ici acteur indique dans une note autographe : « En accord avec Jean-Luc Godard qui est mon metteur en scène dans Le Mépris je ne jouerai pas un rôle mais j'essaierai de donner un portrait de Fritz Lang au moins comme je me vois moi-même. Fritz Lang ». Comme un hommage de plus au cinéma et à l’immense génie du réalisateur de Métropolis et M, Godard joue l’assistant-réalisateur de Lang dans le film et ainsi poursuit cette recherche du « meta-film ».
« Je veux voir le cul de Bardot »
Le document est le scénario du film qu’a imaginé Jean-Luc Godard, pas celui finalement sorti sur les écrans le 20 décembre 1963. En effet, la version originelle du film, telle que Godard le conçoit, est celle que du présent manuscrit.
Mais le producteur américain Joseph E. Levine ne l’entend pas ainsi et en veut pour son argent. A la projection, il refuse la version, indiquant en mots crus, que Bardot doit être plus dénudée. Bardot est à l’époque la femme la plus photographiée du monde, des paparazzi la suivent nuit et jour et perturbent même le tournage du film, mais surtout, son cachet représente à lui seul près de la moitié du budget total du film.
Après une lutte acharnée entre Godard et le producteur américain, finalement assez proche de la relation entre Palance et Lang dans le film, le réalisateur accepte de filmer trois scènes supplémentaires, dont la magnifique scène d’ouverture où, par un tour de force cinématographique, une composition magique de Georges Delerue, inoubliable thème de Camille, Godard parvient à satisfaire un fantasme lubrique en une fascinante poésie presque fétichiste mais jamais graveleuse, dont le dialogue sublime se termine par le prophétique : « Je t’aime tragiquement ».
Le volume se termine par des notes des protagonistes du film, et leur impression sur le tournage, leur rôle ou le film lui-même, à commencer par Moravia, auteur du livre Il disprezzo duquel s’inspire Godard, Fritz Lang, Jack Palance, Michel Piccoli et Bardot pour le mot de la fin : « Que pourrais-je ajouter ? L'accent me semble mis sur tout ce qui importe. Brigitte Bardot ».
Un objet cinéphilique, bibliophilique, artistique. Un document historique.
“The new original film by Jean-Luc Godard”
The complete manuscript of the initial version of the film, without the nude scenes imposed on the director by the American production of the film.
The only known handwritten version of the script of one of the most important films of the French New Wave and, arguably, of the second half of the 20th century.
Brigitte Bardot’s copy which she gave to her friend the photographer Ghislain “Jicky” Dussart.
This document presents the full version of the film, as Godard wanted to make it. In particular, it includes the extraordinary argument scene, 25 minutes of cinematographic virtuosity, between Brigitte Bardot, as Camille, and Michel Piccoli, as Paul, whose dialogue, according to the account by Anna Karina, was inspired by and even quoted – sometimes word for word – conversations between Karina and Godard, her partner at the time.
After all, doesn’t this whirlwind scene in the apartment show Brigitte Bardot wearing a short black wig like Anna Karina’s hairstyle at the time? It was later specified that Michel Piccoli was wearing one of Godard’s suits during this scene.
It is also interesting to note that most of the typed pages in this manuscript relate to this essential scene in the film, proof of Godard’s considerable work on this sequence which was so special, so personal for him. This scene, which shifts from misunderstanding to contempt in a fraction of a second, is the culmination of the “meta-film” created by Godard, his own story within a story of a film about a film.
Also important to add is that, while the dialogue is fully scripted for this scene, Godard gave Fritz Lang complete freedom to create the dialogue for his character, whose name he did not change. It is also interesting to note that most of the typed pages in this volume relate to this key scene in the film, proof of Godard’s significant work on this special moment, so personal to him. This scene, which shifts from misunderstanding to contempt in a fraction of a second, is the culmination of the “meta-film” created by Godard, his own story within a story of a film about a film.
It is also amusing to note that, although the dialogue is fully scripted for this scene, Godard gave Fritz Lang complete freedom to create the dialogue for his character, whose name he did not change. At the end of the document, the great director, here as actor, scrawled by hand: “In agreement with Jean-Luc Godard, who is my director in Contempt, I will not play a role but will try to portray Fritz Lang at least as I see myself. Fritz Lang.” As a further tribute to the cinema and the immense genius of the director of Metropolis and M, Godard plays Lang’s assistant in the film, thereby continuing his pursuit of the “meta-film”.
“I want to see Bardot’s ass.”
This document is the script of the film that Jean-Luc Godard conceived of, not the one ultimately released on December 20, 1963. Indeed, the original version of the film, as Godard conceived it, is the one found in this manuscript.
But the American producer Joseph E. Levine did not see it that way and wanted to get his money’s worth. At the screening, he refused the version, crudely stating that Bardot needed to show more skin. At the time, Bardot was the most photographed woman in the world, with paparazzi following her day and night and even disrupting the shooting of the film. But more importantly, her fee alone amounted to almost half the total budget of the film.
After an epic battle between Godard and the American producer – ultimately quite similar to the relationship between Palance and Lang in the film – the director agreed to film three additional scenes, including the magnificent opening scene where, in a cinematic tour de force set against a magical composition by Georges Delerue – the unforgettable “Thème de Camille” – Godard manages to satisfy a lustful fantasy in riveting poetry, almost fetishistic but never coarse, whose sublime dialogue ends with the prophetic: “I love you tragically”.
The volume ends with notes from the film’s main characters and their thoughts on the shooting, their role or the film itself, starting with Alberto Moravia, author of the novel Il Disprezzo, from which Godard, Fritz Lang, Jack Palance, Michel Piccoli and Bardot drew inspiration for the final word: “What more could I say? The focus seems to be on the only thing that matters. Brigitte Bardot.”
An artistic, cinephilic, bibliophilic object. A historic document.
Adresse de l'enchère |
CHRISTIE'S 8 King Street, St. James's SW1Y 6QT London Royaume-Uni | |
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