Camille Pissarro (1830-1903)

Lot 135
05.04.2023 14:00UTC +01:00
Classic
Vendu
€ 365 400
AuctioneerCHRISTIE'S
Lieu de l'événementFrance, Paris
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ID 930289
Lot 135 | Camille Pissarro (1830-1903)
Valeur estimée
€ 300 000 – 500 000
Camille Pissarro (1830-1903)

Julie Pissarro épluchant des légumes

signé et daté 'C. Pissarro 78' (en bas à droite)

huile sur toile

46.3 x 55.6 cm.

Peint en novembre 1878



signed and dated 'C. Pissarro 78' (lower right)

oil on canvas

18 1/8 x 21 3/4 in.

Painted in November 1878





Provenance

Charles Deudon, Nice (acquis auprès de l'artiste en 1878 et jusqu'en 1914).

André Seligman, New York.

Philippe Leary, Strasbourg et Paris (probablement acquis auprès de celui-ci vers 1950).

Puis par descendance au propriétaire actuel.



Literature

J. Bailly-Herzberg, Correspondance de Camille Pissarro, 1865-1885, Paris, 1980, vol. I, p. 130.

J. Pissarro et C. Durand-Ruel Snollaerts, Pissarro, Catalogue critique des peintures, Paris, 2005, vol. II, p. 377-378, no. 549 (illustré en couleurs, p. 377).



Post lot text

Julie Pissarro épluchant des légumes est emblématique des scènes agrestes pleines de charme qui ont rendu célèbre Camille Pissarro. Assise dans un jardin parsemé de plantes et tacheté de rayons de soleil, l'épouse de l'artiste est représentée au domicile familial de Pontoise, au nord-ouest de Paris. Penchée sur ses légumes, elle s'attèle à la tâche contre une petite clôture derrière laquelle trônent une végétation luxuriante et un rosier en fleurs. La famille Pissarro réside d'abord dans cette ville pittoresque d'Île-de-France de 1866 à 1868, puis s'y réinstalle entre 1872 et 1882 au lendemain de la guerre de Prusse. Les environs de Pontoise et leur campagne bucolique sont une intarissable source d'inspiration pour l'artiste, qui n'en finit plus d'en peindre les paysages panoramiques et les scènes de vie rurale, plus intimistes. Les champs fertiles, les collines verdoyantes, les travailleurs agricoles et les maisons rustiques nourrissent tant sa peinture qu'ils deviennent bientôt le socle de sa réputation professionnelle.
Les œuvres de Pontoise marquent une période déterminante pour la carrière de Pissarro : c'est alors que prend forme le cercle des artistes impressionnistes et que le groupe monte ses premières expositions indépendantes à Paris. Pissarro s'impose très vite comme l'un des plus fervents défenseurs de ces événements collectifs ; ses tableaux figurent en nombre dans chacune des huit expositions impressionnistes tenues entre 1874 et 1886. Peinte en 1878, la présente toile voit le jour entre le troisième (1877) et le quatrième (1879) de ces expositions. Le style mature de Pissarro est déjà bien affirmé : la facture est beaucoup plus souple et les couleurs plus vives que dans les scènes réalistes des années 1860, empreintes d'une certaine austérité.
Avant de devenir la femme du peintre et la mère de leurs huit enfants, le modèle de ce tableau, Julie Vellay, entre en 1860 comme employée de maison chez les Pissarro, famille juive prospère. La liaison de leur fils avec cette travailleuse bourguignonne, fille de vignerons et catholique de surcroît, scandalise les parents de l'artiste : renvoyée sur-le-champ, Julie se trouve un emploi chez un fleuriste avant de donner naissance au fils aîné de Pissarro en 1863. Le couple se marie en 1871 après la naissance du troisième enfant. Pissarro peindra maintes fois son épouse, généralement absorbée par quelque activité domestique dans le calme du foyer : d'un tableau à l'autre, on la voit coudre, lire, écosser des petits pois, éplucher des légumes... Sa formation de fleuriste ayant sans doute attisé son intérêt pour les plantes et l'agriculture, Julie cultivera par la suite un potager, pour répondre aux difficultés financières de la famille.
Héritier d'une grande fortune, le collectionneur d'art moderne Charles Deudon acquiert cette toile auprès de l'artiste en 1878. Elle s'inscrit alors dans un ensemble d'œuvres importantes que Deudon achète à Paris entre 1878 et 1882, dont deux tableaux actuellement abrités par la National Gallery of Art de Washington : Danseuse de Pierre-Auguste Renoir (1874) et La Prune d'Édouard Manet (circa 1877). Après la mort de Deudon en 1914, sa veuve vendra Julie Pissarro épluchant des légumes avec le reste de cette collection d'avant-garde, restreinte mais remarquable.
C'est par l'intermédiaire de son ami Théodore Duret, critique d'art, que Pissarro réalise cette vente auprès de Deudon. L'artiste cherche alors désespérément des acheteurs. Entre 1875 et 1879, les temps sont particulièrement durs : Paul Durand-Ruel, mécène des impressionnistes, peine à vendre les œuvres de Pissarro et manque lui-même de fonds. En août 1878, le peintre se confie à Duret par courrier : « J'ai beaucoup d'épreuves à surmonter […] et aucune vente à l'horizon, un silence de mort plane sur l'art […] Au fond, à quoi sert l'art ; ça ne se mange pas, n'est-ce pas ? » (in J. Pissarro et C. Durand-Ruel Snollaerts, op. cit., vol. I, p. 17). Quelques mois plus tard, Duret orchestre la transaction. L'artiste lui exprime sa gratitude dans une lettre datée du mois de novembre : « Je me suis rendu plusieurs fois chez M. Deudon sans avoir eu le privilège de le rencontrer. S'étant toutefois décidé à acheter [Julie Pissarro épluchant des légumes], il m'a fait parvenir par la poste la somme convenue. Je vous remercie de tout cœur de votre aide dans cette affaire » (in ibid., vol. II, p. 377, no. 549).
Passionné d'impressionnisme, Duret affectionne tout particulièrement l'art de Pissarro. Il publie d'ailleurs en cette année 1878 son essai Les Peintres impressionnistes : Monet, Sisley, Pissarro, Renoir, Berthe Morisot où il écrit : « Oui, j’aime et j’admire l’art des impressionnistes et j’ai justement pris la plume pour expliquer les raisons de mon goût. […] Pissarro est celui des impressionnistes chez lequel on retrouve, de la manière la plus accentuée, le point de vue des peintres purement naturalistes. […] Les toiles de Pissarro communiquent au plus haut degré la sensation de l'espace et de la solitude » (in ibid., vol. I, p. 157). Julie Pissarro épluchant des légumes illustre parfaitement le thème qui irriguera la peinture de Pissarro jusqu'à la fin de ses jours : la vie rurale, dans ce qu'elle a de plus beau, de plus paisible, de plus solennel.

Julie Pissarro épluchant des légumes represents the charming, yet humble subject matter for which Camille Pissarro is best known. Seated amid a sun-dappled, flower-filled garden, the present work depicts Julie Pissarro, the artist’s wife, at their home in Pontoise, north-west of Paris. Peeling vegetables, she is flanked by a lush flower bed, bordered by a rickety fence, which contains a thick pink rose bush in full bloom. Pissarro lived in this picturesque town with his family from 1866 to 1868, and again after the conclusion of the Franco-Prussian War, from 1872 until 1882. The agrarian countryside surrounding Pontoise provided endless inspiration for Pissarro’s sweeping landscape and more intimate figurative paintings; he returned again and again to those fertile fields, grassy hills, agricultural workers and rural homes. Indeed, Pissarro established a professional reputation around this picturesque theme.
Pissarro’s Pointose period coincided with a critical phase of the artist’s career. This decade saw the formation of the Impressionist circle, an independent group of artists who exhibited together in Paris. Pissarro was a vocal advocate for, and the most consistent participant in, these group shows; he submitted significant bodies of work to each of the eight Impressionist exhibitions that took place between 1874 and 1886. Julie Pissarro épluchant des légumes was painted in 1878, the interim year between the third exhibition of 1877 and the fourth of 1879. By this time, Pissarro had developed his distinctive painterly style that is much looser in brushwork and brighter in color than his tighter, earthier, Realist pictures of the 1860s.
The subject of this painting, Julie Pissarro, née Vellay, was the artist’s wife and the mother of his eight children. Julie had been hired by Pissarro’s family as a kitchen maid in 1860. Pissarro’s bourgeois Jewish parents were dismayed when the artist initiated a lifelong affair with Julie, a working-class Catholic woman from rural Burgundy; they promptly dismissed her from the household. Julie found employment as a florist’s assistant and gave birth to the artist’s first child, in 1863. The artist married Julie in 1871 after the birth of their third child. Pissarro painted her numerous times, imagining her absorbed in various quiet domestic activities—sewing, reading, shelling peas, or peeling vegetables. Julie’s training with a florist no doubt engendered an interest in flowers and plants; she later cultivated a kitchen garden to offset the family’s ongoing financial burdens.
This work was purchased from the artist in 1878 by Charles Deudon, a wealthy collector of modern art. While living in Paris, Deudon acquired several important works by avant-garde artists between 1878 and 1882, including two paintings now in the collection of The National Gallery of Art in Washington, D.C.: Pierre-Auguste Renoir’s Danseuse of 1874, and Edouard Manet’s La Prune, painted circa 1877. After Deudon’s death in 1914, his widow sold his small but important collection, which included Julie Pissarro épluchant des légumes.
Pissarro’s sale of the present work to Deudon was facilitated by his friend, the art critic Théodore Duret. Pissarro had previously confided in Duret his desperation for buyers—particularly between 1875 and 1879, when the Impressionists’ dealer, Paul Durand-Ruel, was himself in need of funds and sold no works on Pissarro’s behalf. Pissarro wrote to Duret in August 1878: “I have many difficulties to surmount…and no sales in sight, a deathly silence hangs over art… Anyway, what need is there for art, you can’t eat it, can you?” (quoted in J. Pissarro and C. Durand-Ruel Snollaerts, op. cit., vol. I, p. 17). A few months later, Duret arranged Pissarro’s transaction with Deudon. Pissarro wrote to Duret in gratitude in November 1878:
“I went several times to M. Deudon’s house and, as usual, I didn’t have the benefit of meeting him. Having nevertheless made up his mind to buy [Julie Pissarro épluchant des légumes], he has sent me the agreed amount by post. I thank you deeply for helping me make this sale” (quoted in ibid., vol. II, p. 377, no. 549).
Duret was indeed a passionate defender of the Impressionists, and of Pissarro’s work in particular. In 1878, the same year the present work was painted, Duret published Les peintres impressionnistes: Monet, Sisley, Pissarro, Renoir, Berthe Morisot, in which he wrote: “Yes, I like and admire the art of the Impressionists and I have taken up my pen precisely to explain the reasons for that liking…Pissarro is the Impressionist in whose work we find, in the most pronounced manner, the point of view of purely naturalistic painters… Pissarro’s canvases convey to the highest degree a sensation of space and solitude” (quoted in ibid., vol. I, p. 157). Julie Pissarro épluchant des légumes certainly portrays the beauty, serenity and dignity of rural life—the theme that would move Pissarro to paint for the rest of his career.
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