ID 1421885
Lot 62 | FLAUBERT, Gustave (1821-1880)
Valeur estimée
€ 60 000 – 80 000
L'Éducation sentimentale. Paris : Michel Lévy frères, 1870.
Exceptionnel envoi autographe signé de l'auteur à l'amie George Sand :
"à mon cher maître Georges Sand
son vieux troubadour
Gve Flaubert"
Témoignage de l'une des plus belles amitiés littéraires, l'envoi est signé de l'affectif surnom omniprésent dans la correspondance de l'écrivain avec la romancière de dix-sept ans son aînée. Si le nom de Sand apparaît dans les lettres de Flaubert dès 1839, non sans admiration, et que les deux auteurs se sont déjà croisés à quelques reprises, leur correspondance suivie commencera de nombreuses années plus tard. Le 27 janvier 1863, George Sand publie un article élogieux sur Salammbô dans La Presse, déclarant à propos de Flaubert que "cet auteur-là est un malin" et lui écrivant le lendemain : "Nous nous connaissons bien peu. Venez donc me voir quand vous aurez le temps", ce à quoi Flaubert répond qu'il viendra sans doute durant l'été, "car j'ai grande envie de vous voir et causer avec vous" (31 janvier). Les deux auteurs sont finalement présentés l'un à l'autre en février 1866 par Sainte-Beuve et Dumas, lors du premier dîner Magny – George Sand fut la seule femme jamais invitée à ces dîners mondains bi-mensuels réunissant journalistes, écrivains, artistes et scientifiques dans le restaurant éponyme.
Leur caractère, leurs opinions politiques, leur vision de la littérature : tout oppose Sand et Flaubert, et pourtant rien ne saurait atteindre leur camaraderie. L'un est pessimiste et misanthrope quand elle est optimiste et "pleine de mansuétude" (lettre du 14 novembre 1871), il est libéral et prône une "aristocratie légitime" (lettre du 30 avril 1871) tout en déplorant le "dada socialiste" de son aînée (lettre du 13 novembre 1866), enfin Flaubert répugne à mettre dans ses romans "quelque chose de [son] coeur" (lettre du 5 décembre 1866) alors que Sand estime "qu'on ne peut pas y mettre autre chose" (lettre du 7 décembre). Ces différends n'affectent en rien leur relation, au contraire ils garantissent un dialogue riche et toujours renouvelé : "Pas de vraie amitié sans liberté absolue", voilà ce qu'affirme Sand à Flaubert dans une lettre du 22 novembre 1866. Ils seront également présents l'un pour l'autre dans les moments de gêne financière, Sand n'hésitant pas à intervenir auprès de l'éditeur Michel Lévy pour obtenir des conditions de publications plus intéressantes pour l'Education sentimentale. Seule la mort de Sand, en juin 1876, viendra interrompre leur long compagnonnage, laissant Flaubert profondément affecté et esseulé – l'amitié du jeune Guy de Maupassant viendra par la suite le consoler (voir lot n°63).
"Sous quelle constellation êtes-vous donc née pour réunir dans votre personne des qualités si diverses, si nombreuses, et si rares ! Je ne sais pas quelle espèce de sentiment je vous porte. Mais j'éprouve pour vous une tendresse particulière et que je n'ai ressentie pour personne jusqu'à présent." (Flaubert à Sand, 12 novembre 1866)
À Flaubert, qui s’inquiétait de n’être "pas si troubadour pourtant !" (7 octobre 1871), George Sand répond : "Tu es troubadour quand même, et si j’avais à t’écrire en public, le personnage serait ce qu’il doit être. Mais nos vraies discussions doivent rester entre nous comme des caresses entre amants, et plus douces, puisque l’amitié a ses mystères aussi, sans les orages de la personnalité." (lettre du 10 octobre 1871)
George Sand salue la publication de L'Éducation sentimentale dans un article du 21 décembre 1869 paru dans La Liberté : "Flaubert est grand poëte et grand écrivain [...] Le voici qui nous conduit dans la vie vulgaire [...] Il a réussi à reproduire une sensation nouvelle : le rire indigné contre la perversité et la lâcheté des choses humaines, quand, à des époques données, elles vont à la dérive toutes ensemble. [...] C'est la fin de l'aspiration romantique de 1840 se brisant aux réalités bourgeoises, aux roueries de la spéculation, aux facilités menteuses de la vie terre à terre, aux difficultés du travail et de la lutte. Enfin, comme le sous-titre du livre l'annonce, c'est l'histoire d'un jeune homme, d'un jeune homme qui, comme tant d'autres, eût volontiers contribué à l'histoire de son temps, mais qui a été condamné à en faire partie comme chaque flot qui enfle et s'écroule fait partie de l'Océan. [...] L'analyse d'un ouvrage si complet est impossible. À la lecture, la complication disparaît, tant l'action de chacun est bien placée sur son rail. [...] Dans un travail si bien fouillé, la lumière jaillit de partout et se passe d'un résumé dogmatique."
Quelques semaines plus tard, elle le rassure quant à l'accueil mitigé reçu par L'Éducation sentimentale : "On continue à abîmer ton livre. Ça ne l'empêche pas d'être un beau et bon livre. Justice se fera plus tard, justice se fait toujours. Il n'est pas arrivé à son heure, apparemment ; ou plutôt, il est trop arrivé. Il a constaté le désarroi qui règne dans les esprits. Il a froissé la plaie vive. On s'y est trop reconnu." (lettre du 9 janvier 1870) Si la critique de l'époque se moquait du héros médiocre et dénonçait un livre où il ne se passait rien, L'Éducation sentimentale "est devenu au XXe siècle, grâce à quelques lecteurs célèbres, le modèle inimitable de romans sans héros." (En français dans le texte)
L'exemplaire est enrichi d'une lettre autographe de Sand à Flaubert faisant allusion à l'écriture de L'Éducation sentimentale, ainsi que d'une note préparatoire de Flaubert pour le roman : "Maurice a été tout attendri de l'amitié que tu lui as témoignée ; lui qui n'est pas démonstratif tu l'as séduit et ravi." Le fils de Sand insiste pour que Flaubert vienne séjourner à Nohant dans l'année, et sa mère appuie cette demande : "je suis chargée de te le dire sérieusement et obstinément, au besoin." Elle s'enquiert ensuite de l'avancée de L'Éducation sentimentale, en cours d'écriture : "Et le roman ? Il va toujours bon train à Paris comme à Croisset ? Il me semble que tu mènes partout la même vie érémitique. Quand tu as le temps de penser aux amis, souviens toi de ton vieux camarade et dis lui en deux lignes que tu te portes bien et ne l'oublies pas. Goulard"
Carteret, I, p. 268 ; Vicaire, III, col. 726-727 ; Correspondance, III, pp. 630-631 ; A. Lambiotte, "Les exemplaires en grand papier de Salammbô et L'éducation sentimentale", in Le livre et l'estampe, n°13-14, pp. 9-21 ; G. Sagnes, En français dans le texte, n° 277 ; Correspondance George Sand - Gustave Flaubert, Tu aimes trop la littérature, elle te tuera, n° 73 ; J.-B. Guinot, Dictionnaire Flaubert, p. 655 "[Leur amitié] ne sera jamais entamée par leurs divergences politiques et littéraires, dont leur abondante correspondance se fait l'écho").
2 vol. in-8 (227 x 144 mm). Édition originale. Exemplaire du tirage courant. Enrichi de :
- 1 lettre autographe de George Sand à Gustave Flaubert signée "Goulard", datée "Nohant, 11 avril 1867", 3 pp. à l'encre sur bi-feuillet remplié, encartée au début du second volume ;
- 2 pp. recopiant le bottin de 1848, écriture non identifiée, avec une note autographe de Gustave Flaubert préparatoire à la rédaction du livre, "Les voitures de F. descendaient rue du Bouloi ou rue de Grenelle St Honoré [deux rues du quartier des Halles]. Aux petites diligences avaient [mot illisible] des omnibus avec coupé, conduites par trois chevaux", brouillon pour le retour de Frédéric, de Nogent à Paris, au début de la deuxième partie (les mêmes rues y sont citées). Le bottin récopié a certainement servi pour le chapitre 1 de la troisième partie, dont l'action se déroule entre février et juin 1848 à Paris puis Fontainebleau ;
- 1 note autographe d'Aurore Sand "Souvenir du cinquantenaire" reliée en début d'ouvrage.
Reliure signée de Chambolle-Duru : maroquin rouge, sept filets dorés en encadrement des plats, dos à nerfs titré or et compartiments ornés de filets dorés, bordure intérieure ornée de filets dorés, tranches dorées sur témoins, couvertures et dos vert clair conservés, double filet doré sur les coupes.
Provenance : Pierre Bergé (1930-2017 ; ex-libris ; sa vente, 11 décembre 2015, lot n° 92).
Exceptional copy inscribed by Flaubert to George Sand - a moving testimony of their long friendship, despite their opposite characters and views on everything. The copy also includes a letter by Sand to Flaubert in which she alludes to the writing of the book, as well as a preparatory note by Flaubert for the novel.
Artiste: | Gustave Flaubert (1821 - 1880) |
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Lieu d'origine: | Europe de l'Ouest, France, Europe |
Catégorie maison de vente aux enchères: | Livres, Livres et manuscrits |
Artiste: | Gustave Flaubert (1821 - 1880) |
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Lieu d'origine: | Europe de l'Ouest, France, Europe |
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CHRISTIE'S 9 Avenue Matignon 75008 Paris France | ||||||||||||||
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