ID 991061
Lot 72 | FLAUBERT, Gustave (1821-1880)
Valeur estimée
€ 6 000 – 8 000
Lettre autographe signée "ton G" [à Louise Colet]. [Croisset] : datée "lundi soir, 1h", [2 janvier 1854].
4 pages in-4 sur bi-feuillet (246 x 191 mm), à l'encre brune sur papier. Plusieurs passages soulignés, ratures et passages barrés.
Passionnante lettre autographe à sa "pauvre chère Muse", un an avant leur rupture en mars 1855 : Flaubert se confie sur l'écriture de Madame Bovary et dessine les contours de Salammbô, tout en commentant les oeuvres de leurs amis communs, parmi lesquels Victor Hugo et Louis Bouilhet.
"Je tourne beaucoup à la critique. Le roman que j'écris m'aiguise cette faculté. — Car c'est une oeuvre surtout de critique, et d'anatomie. Le lecteur ne s'apercevra pas (je l'espère) de tout le travail psychologique caché sous la Forme, mais il en ressentira l'effet."
Lorsque Flaubert écrit cette lettre, sa liaison avec l'écrivaine et poétesse Louise Colet, de dix ans son aînée, prend à nouveau une tournure houleuse. Après deux années de passion orageuse entre 1846 et 1848, Flaubert lui enverra une lettre de rupture et partira en Orient sans avoir repris contact. Il faudra attendre son retour, en juillet 1851, pour qu'ils renouent une relation d'ordre épistolaire et s'accordent à nouveau des rencontres trimestrielles. Leur correspondance, considérable, traite beaucoup de littérature : les deux écrivains travaillent ensemble par lettres interposées, détaillent leurs lectures, et Flaubert s'agace lorsque Colet refuse de modifier ses textes selon ses suggestions. Dans cette lettre de janvier 1854, il promet à sa maîresse une relecture attentive de son livre à paraître : "Quant à la Servante [seconde partie du Poëme de la femme de Louise Colet, publié en 1854], je ne sais pas si elle est à Rouen ? [...] N'importe, j'espère bien mercredi au plus tard avoir ton paquet. Je le lirai avec soin, d'abord en masse, pour voir l'ensemble, puis en détail, puis en masse et je te ferai de longs commentaires, le plus expliqués possible. J'y mettrai, pauvre chère Muse, tout mon coeur et tout mon esprit, n'aie aucune crainte."
L'ermite de Croisset se confie ensuite sur l'avancée de ses propres écrits, travaillant encore à la rédaction de Madame Bovary : "J'ai eu B[ouilhet] vendredi soir, samedi matin et hier matin. [...] Nous n'avons guère jusqu'à présent eu le temps de causer de nous. Tout a presque été employé aux Fossiles [poème de Bouilhet] et à la Bovary." Poète et ami de Flaubert, Bouilhet est un habitué des dimanches après-midi chez l'écrivain dans la campagne rouennaise, et aidera les deux amants à relire et corriger leurs textes respectifs. Flaubert s'attarde sur son processus d'écriture et évoque ses difficultés à remanier un passage du roman, certainement la conversation qui précède la promenade des deux amants : "[Bouilhet] a été content de ma baisade. Mais, avant le dit passage, j'en ai un de transition qui contient 8 lignes, qui m'a demandé 3 jours, où il n'y a pas un mot de trop, et qu'il faut, pourtant, refaire ! encore ! parce que c'est trop lent. C'est un dialogue direct qu'il faut remettre à l'indirect, et où je n'ai pas la place nécessaire de dire ce qu'il faut dire, tout cela doit être rapide et lointain comme plan ! tant il faut que ce soit perdu et peu visible dans le livre ! — Après quoi, j'ai encore trois ou quatre autres corrections, infiniment minimes, mais qui me demanderont bien toute l'autre semaine : Quelle lenteur ! quelle lenteur ! N'importe, j'avance. [...] C'est si difficile de défaire ce qui est fait et bien fait, pour fourrer du neuf à la place sans qu'on voie l'encastrement."
Impatient d'achever Madame Bovary pour se consacrer à son roman suivant, Flaubert fait allusion au décor de Salammbô : "Et d'une autre part je suis entraîné à écrire de grandes choses somptueuses, des batailles, des sièges, des descriptions du vieil Orient fabuleux. J'ai passé jeudi soir deux belles heures, la tête dans mes mains, songeant aux enceintes bariolées d'Ecbatane [capitale de l'Empire médique]. On n'a rien écrit sur tout cela ! Que de choses flottent encore dans les limbes de la pensée humaine ! — Ce ne sont pas les sujets qui manquent, mais les hommes."
Tour à tour, il commente les oeuvres de Louis Bouilhet, Petrus Borel et Victor Hugo. Ce dernier, désigné sous le nom de code de "Crocodile", tenait l'oeuvre de Louise Colet en haute estime et utilisait Croisset comme boîte aux lettres en France. Si Flaubert s'extasie d'abord devant un poème des Châtiments, il n'hésite pas à se montrer plus critique vis-à-vis d'autres pièces du même recueil : "J'ai lu Les Abeilles que tu m'as envoyées [il s'agit du poème intitulé "Le Manteau impérial"] — C'est raide, d'idée surtout. — Et je trouve les mouches de Montfaucon splendides. Quant à l'Expiation, quel dommage que ce soit bâclé ! Tout le Vaterloo (sic) est stupide, mais La Retraite de Russie et Sainte-Hélène (à part des taches, nombreuses) m'ont plu extrêmement. On eût pu faire de cela quelque chose d'aussi beau que Le Feu du ciel. N'importe, ce bonhomme est un grand bonhomme et un très grand homme."
Enfin, Flaubert s'attarde sur deux faits divers sordides ayant eu lieu en région rouennaise, et s'indigne face à l'afflux de paysans venus assiter à l'exécution d'un criminel : "L'affluence était telle que le pain a manqué. Ô suffrage universel ! Ô sophistes ! Ô charlatans ! Déclamez donc contre les gladiateurs et parlez-moi de Progrès ! Moralisez ! Faites des lois, des plans ! Réformez-moi la bête féroce." Évoquant la relation charnelle passionnée entre Bouilhet et sa maîtresse Edma Roger des Genettes, dite "la Sylphide", Flaubert en tire une ligne de conduite à suivre pour tout écrivain : "Laissez l'exaltation à l'élément musculaire et charnel, afin que l'intellectuel soit toujours serein. Les passions, pour l'artiste, doivent être l'accompagnement de la vie. L'art en est le chant. Mais si les notes d'en bas montent sur la mélodie, tout s'embrouille". Il conclut sa lettre avec tendresse : "Maintenant je pose ton doigt à une place secrète, ta pensée sur un coin caché, et qui est plein de toi-même, et je vais m'enodrmir avec ton image et en t'envoyant mille baisers. À toi. Ton G."
Correspondance, II, pp. 496-499.
[On joint :]
COLET, Louise (1810-1876)
Lettre autographe signée [à son éditeur], datée "dimanche soir" [1868].
3 pages in-8 sur bi-feuillet (203 x 132 mm), à l'encre brune sur papier avec monogramme "LC" .
La poétesse et écrivaine y évoque son roman à paraître et ses contributions à plusieurs journaux : "Je vous envoie terminés au plus vite Les Derniers abbés. J'ai à revoir une seconde épreuve et vous savez combien cela est long."
A fascinating autograph letter to Louise Colet, a year before they broke up in March 1865: Flaubert confides in her about writing Madame Bovary and outlines Salammbô, while commenting on the works of their mutual friends, including Victor Hugo and Louis Bouilhet.
Artiste: | Gustave Flaubert (1821 - 1880) |
---|---|
Lieu d'origine: | France |
Catégorie maison de vente aux enchères: | Lettres, documents et manuscrits |
Artiste: | Gustave Flaubert (1821 - 1880) |
---|---|
Lieu d'origine: | France |
Catégorie maison de vente aux enchères: | Lettres, documents et manuscrits |
Adresse de l'enchère |
CHRISTIE'S 9 Avenue Matignon 75008 Paris France | ||||||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Aperçu |
| ||||||||||||||
Téléphone | +33 (0)1 40 76 85 85 | ||||||||||||||
Fax | +33 (0)1 40 76 85 86 | ||||||||||||||
Conditions d'utilisation | Conditions d'utilisation | ||||||||||||||
transport |
Service postal Service de messagerie ramassage par vous-même | ||||||||||||||
Modes de paiement |
Virement bancaire | ||||||||||||||
Heures d'ouverture | Heures d'ouverture
|
Plus du Créateur
Termes connexes
Questions fréquemment posées
Pour participer aux ventes aux enchères, vous devez d’abord, vous inscrire. Après la confirmation de l’adresse e-mail, complétez votre profil d’utilisateur en fournissant des renseignements personnels tels que votre prénom, nom de famille et l’adresse postale. Choisissez un lot qui vous intéresse et indiquez le montant maximum que vous voulez offir pour ce lot. Dès que vous confirmez votre choix, nous transférerons votre demande par voie électronique à la maison de ventes aux enchères appropriée. Si votre demande est acceptée, votre offre va participer aux ventes aux enchères. Vous pouvez vérifier le statut actuel de votre offre en tout temps dans votre cabinet personnel VIL sous l’onglet «Vos offres».
Les enchères sont réalisées par les maisons de ventes et chacune des maisons de ventes décrit ses conditions de vente. Vous pouvez voir les textes dans la rubrique «Information sur les ventes».
Les résultats des ventes aux enchères sont publiés dans quelques jours après la clôture de l’enchère. En haut de la page du site web VIL, vous trouverez l’onglet «Enchères». Cliquez sur cet onglet et naviguez vers la page des catalogues de ventes aux enchères où vous trouverez facilement l’onglet « Résultats des ventes ». Sur cet onglet, sélectionnez l’enchère qui vous intéresse et consultez l’état de vente du lot de votre choix.
Les informations sur les gagnants des enchères sont confidentielles. Le gagnant de l'enchère recevra une notification directe de la maison d'enchères responsable avec des instructions pour les mesures à prendre: une facture de paiement et la manière dont les marchandises ont été reçues.
Chacune de maisons de ventes aux enchères adhère à sa propre politique concernant les modes de paiement des lots remportés. Toutes les maisons de ventes aux enchères acceptent les virements bancaires; la plupart d’elles acceptent les paiements par carte de crédit. Dans un avenir très proche, vous trouverez des renseignements détaillés sous la rubrique «Information sur les ventes», à la page du catalogue et du lot.
Le mode de livraison du lot dépend de sa taille et ses dimensions. Les petits articles peuvent être livrés par la poste. Les objets plus grands sont expédiés par courrier. Les préposés à la livraison des maisons de ventes aux enchères vous proposeront différentes options selon votre cas.
Non. Les archives servent de référence pour l'étude des prix des enchères, des photographies et des descriptions d'œuvres d'art.