Paul Gauguin (1848-1903)

Лот 411
21.10.2023 14:30UTC +01:00
Classic
Продан
€ 65 520
AuctioneerCHRISTIE'S
Место проведенияФранция, Paris
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ID 1051720
Лот 411 | Paul Gauguin (1848-1903)
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€ 50 000 – 70 000
Paul Gauguin (1848-1903)

Racontars de Rapin. Manuscrit autographe signé, daté "Septembre 1902. Atuana".

28 pages sur 7 feuillets doubles. Encre noire sur papier. Texte mis au propre, quelques rares corrections et ratures. (Papier uniformément bruni, anciennes pliures, certaines déchirées, sans manque, taches d'encre au dernier feuillet, atteignant 2 mots sans gêne à la lecture).

32 x 20 cm.

Formidable manuscrit autographe signé de Paul Gauguin, véritable manifeste pour l'art moderne, la liberté artistique et l'indépendance des peintres face aux dicktats des critiques, des hommes de lettres, des écoles, des dogmes, des académiques.



"Ce qui importe, c’est ce qui est aujourd’hui et qui va ouvrir la marche de l’art du XXe siècle".

Paul Gauguin



"L’art plastique demande trop de connaissances approfondies : il exige toute une existence d’artiste supérieur, surtout quand au lieu de se généraliser il se particularise, quand il devient individuel, ayant à tenir compte aussi du milieu où il vit et de son éducation. Chez l’artiste il y a à regarder l’avenir, tandis que le critique soi-disant instruit n’est instruit que du passé. – Et du passé, que retient-il en général sinon des noms aux catalogues (...)", tandis que " (...) devant son chevalet, le peintre n'est esclave ni du passé, ni du présent : ni de la nature, ni de son voisin. Lui encore lui, toujours lui..."



Loin de se contenter de dire "[son] admiration pour quelques-uns, et [sa] haine des autres", Gauguin exprime aussi et surtout sa vision de l'art et de son appréhension de celui-ci : "nos émotions devant ou à la lecture d’une œuvre d’art, tiennent à beaucoup de choses loin de la compréhension, ce qui fait qu’une mère ne trouve jamais son enfant bien laid. Ce serait pour dire aussi le critique doit, s’il veut faire œuvre véritable de critique, se méfier avant tout de lui-même, au lieu de chercher à se retrouver dans l’œuvre. (…) Les émotions du peintre ou sculpteur, du musicien, sont d’un tout autre ordre que celles de l’art littéraire, dépendant de la vue, de l’ouïe, de sa nature instinctive tout entière, de ses luttes avec la matière. Il est compositeur et virtuose".



Il loue les innovations apporter par ses prestigieux prédécesseurs impressionnistes tout en se gardant d'en appeler à les copier ad nauseam : "ce fut en 1872 que parut la première exposition d’un groupe – désigné depuis : Impressionnistes. D’où venaient-ils ces bohèmes ? Des loups assurément puisque sans collier. Presque classiques, bien simples cependant, leurs tableaux parurent bizarres : on ne sut jamais pourquoi. Et ce fut un fou rire. (…). Mais ce ne fut qu’un triomphe pictural d’une certaine peinture, tombée aujourd’hui plus ou moins adroitement dans le domaine public ; exploitée par l’étranger – par quelques marchands, quelques collectionneurs spéculateurs. Mais aussi, c’est une école (encore une école, avec tout l’esclavage qu’elle entraine). C’est un dogme de plus."



Pour Gauguin, il n'y a rien de pire que les écoles, l'Art dépend de l'artiste et de ses émotions, de ses talents parfois en opposition à ses faiblesses. Ainsi, "Delacroix, toujours en lutte avec l’école et son tempérament ; comment marier ce dessin ignoble avec une aussi belle fiancée que la couleur qu’il entrevoyait ?"

Sur le dessin toujours, et pour aborder ses contemporains, il prend en exemple Renoir "un peintre qui n’a jamais su dessiner mais qui dessine bien, c’est Renoir". "Chez Renoir rien n’est à sa place ; ne cherchez pas la ligne, elle n’existe pas ; comme par magie une jolie tache de couleur, une lumière caressante parlent suffisamment. (...). Divin Renoir qui ne sait pas dessiner."



Et de rendre hommage à son maître Camille Pissarro : "Or, si on examine l’art de Pissarro dans son ensemble (…) on y trouve non seulement une excessive volonté artistique qui ne se dément jamais, mais encore un art essentiellement intuitif de belle race. Si loin que soit la meule de foin, là-bas sur un coteau, Pissarro sait se déranger, en faire le tour, l’examiner".



Paul Gauguin décrit à George-Daniel de Monfried en octobre 1902, alors qu'il croit son texte publié dans le Mercure de France, ces lignes comme "une contre-critique" dans lequel il cherche à prouver que "les peintres en aucun cas n'ont besoin de l'appui et de l'instruction des hommes de lettres" et rappelle qu'il a lutté "contre tous ces partis s'établissant à chaque époque en dogmes". Mais encore plus que cela, ce qui transpire de ce texte est bien plus ce cri : le droit de tout oser !! (Lettres de Paul Gauguin à George-Daniel de Monfried. Paris : Crès, 1919, pp. 345 et suiv.)

"Il est donc nécessaire (...) de songer à une libération complète, briser des vitres au risque de se couper les doigts – quitte, à la génération suivante désormais indépendante, dégagée de toute entrave, à résoudre génialement le problème. Je ne dis pas « définitivement » car c’est justement un art sans fin dont il est question, riche en techniques de toutes sortes, apte à traduire toutes les émotions de la nature et de l’homme, s’appropriant à chaque individualité, à chaque époque, en joies et en souffrances.

Il fallait pour cela se livrer corps et âme à la lutte, lutter contre toutes les écoles (toutes dans distinction), non point en les dénigrant, mais par autre chose, affronter non seulement l’officiel mais encore les impressionnistes, les néo-impressionnnistes ; l’ancien et le nouveau public. Ne plus avoir de femme, des enfants qui vous renient. Qu’importe l’injure. Qu’importe la misère. Tout cela, en tant que conduite d’homme. En tant que travail. Une méthode ; de contradiction si l’on veut. S’attaquer aux plus fortes abstractions. Faire tout ce qui était défendu, et reconstruire plus ou moins heureusement sans crainte d’exagération : avec exagération même. Apprendre à nouveau, puis une fois su, apprendre encore ; vaincre toutes les timidités, quel que soit le ridicule qui en rejaillisse.

Devant son chevalet, le peintre n’est esclave ni du passé, ni du présent : ni de la nature, ni de son voisin. Lui encore lui, toujours lui. (…) Ce qui importe, c’est ce qui est aujourd’hui et qui va ouvrir la marche de l’art du XXe siècle. Rien ne vient par hasard."





Racontars de Rapin. Autograph manuscript signed, dated "September 1902. Atuana".

28 pages on 7 double leaves. Black ink on paper. Text clean, a few rare corrections and erasures. (Paper uniformly browned, old folds, some torn, without missing, ink stains on the last leaf, reaching 2 words without hindering reading).



An iconic autograph manuscript signed by Paul Gauguin that presents a veritable manifesto for modern art, artistic freedom and the independence of painters from the limits imposed by critics and academics.



"What's important is what's out there today and what's going to lead the way in twentieth-century art".



In the manuscript, Gauguin writes, "Plastic art requires too much in-depth knowledge: it demands the whole existence of a superior artist, especially when, instead of becoming generalised, it becomes particularised, when it becomes individual, also having to take into account the environment in which he lives and his education. The artist has to look to the future, whereas the so-called educated critic is only educated about the past. - And of the past, what does he generally retain if not the names in the catalogues (...)", whereas "(...) in front of his easel, the painter is a slave neither to the past nor to the present: neither to nature nor to his neighbour. He is still him, always him…".



Far from contenting himself with expressing "[his] admiration for some, and [his] hatred of others", Gauguin above all expressed his vision of art and his apprehension of it. Gauguin expounded in this manuscript,"our emotions in front of or when reading a work of art, have to do with many things far from understanding, which is why a mother never finds her child very ugly. This would also be to say that, if he wants to be a true critic, the critic must above all distrust himself, instead of trying to find himself in the work. (...) In the person who makes a painting, there are emotions that cannot be concretised in the eyes of the public; at most the pale reflection of a mystery. In the plastic arts, the author's intelligence, however abstract it may be, is subject to appreciation, but his Emotivity! the ink bottle... The emotions of the painter or sculptor, of the musician, are of a completely different order from those of the literary artist, dependent on sight, on hearing, on his whole instinctive nature, on his struggles with matter. He is a composer and a virtuoso".



He praised the innovations of his prestigious Impressionist predecessors, but was careful not to call for them to be copied ad nauseam as he recognized that the Impressionists had also succumbed to what Gauguin viewed as ‘dogma.’ Gauguin wrote, "It was in 1872 that the first exhibition of a group - since then known as the Impressionists - appeared. Where did these bohemians come from? Certainly wolves, since they had no collars. Almost classical, yet very simple, their paintings seemed strange: we never knew why. And we laughed. No, it wasn't serious: it was just an hysterical laughter (…) But it was nothing more than a pictorial triumph for a certain type of painting, which has now fallen more or less skilfully into the public domain, exploited by foreigners - by a few dealers, a few speculative collectors.

(…) But it's also a school (another school, with all the slavery it entails). It's one more dogma."



For Gauguin, there was nothing worse than schools because art depended on the artist and their emotions and talents sometimes in opposition to his weaknesses. Delacroix, for example, was always at odds with the school and his temperament; how could he marry ignoble drawings with such a beautiful colour? Still on the subject of drawing, and to address his contemporaries, Gauguin took Renoir as an example: "a painter who never knew how to draw but who draws well, that's Renoir (…) With Renoir, nothing is in its place; don't look for the line, it doesn't exist; as if by magic, a pretty spot of colour, a caressing light speak sufficiently (…) Divine Renoir who can't draw".



And Gauguin returned to one of his masters, the one who undoubtedly influenced him most, Camille Pissarro: "If we examine Pissarro's art as a whole (...) we find not only an excessive artistic will that never fails, but also an essentially intuitive art of fine breed. No matter how far away the haystack may be, over there on the hillside, Pissarro knows how to get out of the way, walk around it and examine it.”



Gauguin described these lines to George-Daniel de Monfried in October 1902, when he thought his text had been published in the Mercure de France, as "a counter-criticism" in which he sought to prove that "painters in no case need the support and instruction of men of letters" and recalled that he had fought "against all these parties establishing themselves as dogmas in every age.". But even more than that, what transpires from this text is this cry: the right to dare everything! (Letters from Paul Gauguin to George-Daniel de Monfried. Paris: Crès, 1919, pp. 345 et seq.)



"It is therefore necessary (...) to think about complete liberation, breaking windows at the risk of cutting one's fingers - even if it means that the next generation, now independent and free of all fetters, will solve the problem brilliantly. I don't say "definitively", because what we're talking about here is a never-ending art, rich in all kinds of techniques, capable of translating all the emotions of nature and man, appropriating the joys and sufferings of each individual, of each era.

To achieve this, he had to give himself body and soul to the struggle, to fight against all the schools (all of them), not by denigrating them, but by something else, to confront not only the official but also the impressionists, the neo-impressionists, the old and the new public. No longer having a wife, children who disown you. Never mind the insult. Never mind the misery. All this as a man's behaviour. As work. A method; of contradiction if you like. To attack the strongest abstractions. Doing everything that was forbidden, and rebuilding more or less happily without fear of exaggeration: with exaggeration even. Learning anew, then once you've learned, learning again; overcoming all shyness, no matter how ridiculous it may seem.

In front of his easel, the painter is a slave neither to the past nor to the present: neither to nature nor to his neighbour. He is still him, always him (...) What matters is what is today and what will set the course for twentieth-century art. Nothing happens by chance.”



The text, sent to André Fontainas in September 1902 for publication in the Mercure de France was rejected by the reading committee. It was published in part for the first time in 1951, followed by some fragments under the title "Oviri, écrits d'un sauvage". Sam Josefowitz allowed the first complete publication of the text to appear in the form of a luxurious facsimile of the present manuscript in 1994, published by Avant et Après.







Provenance

André Fontainas (offert par Gauguin en vu d'une publication dans le Mercure de France)

Collection particulière

Property of a Gentleman - Vente Christie's New York, 14 décembre 1984, lot 145

Sam Josefowitz, Pully (acquis au cours de cette vente)

Puis par descendance aux propriétaires actuels



Literature

Paul Gauguin. Racontars de Rapins. Edition facsimilée et illustrée. Tahiti : éditions Avant et Après, 1994.

Paul Gauguin. Racontars de Rapins. Présentations, notes et postface de Bertrand Leclair. Paris : Mercure de France, 2003.

Paul Gauguin. Lettres à George-Daniel de Monfreid. Paris : Crès, 1919.
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