ROBESPIERRE, Maximilien de (1758-1794)

Лот 46
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Лот 46 | ROBESPIERRE, Maximilien de (1758-1794)
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ROBESPIERRE, Maximilien de (1758-1794)
Lettre autographe signée à un ami, [fin septembre 1790]

3 pp. (214 x 165 mm) sur un bifeuillet remplié, encre noire sur papier. Quelques ratures. (taches éparses, traces d’anciennes pliures, défaut de papier au coin supérieur du feuillet)

Contre le suffrage censitaire, la genèse du suffrage universel : lettre capitale dans laquelle Robespierre défend le droit de vote pour tous, sans distinction entre citoyens « actifs » et « passifs »

Combattant depuis plusieurs mois le suffrage censitaire adopté par l’Assemblée Constituante, et intervenant de plus en plus souvent à la tribune, Robespierre annonce d’emblée son pessimisme face au climat ambiant : “Toujours paresseux et occupé, et par-dessus tout découragé souvent par la détestable tournure que prennent à mes yeux les affaires publiques”.

Il commente le discours envoyé par son ami au sujet du droit de vote – une question qui anime les députés depuis plusieurs mois. Les 22 et 29 octobre 1789, l’Assemblée a adopté deux conditions restreignant le droit de vote et le droit d’éligibilité au paiement d’un certain montant d’impôts : pour pouvoir voter, il faut payer une cotisation annuelle minimale équivalente à trois journées de travail, tandis qu’il faut s’acquitter d’un impôt annuel d’un marc d’argent pour être éligible. Ces décisions créent une distinction entre citoyens actifs et passifs, ces derniers se retrouvant privés de droits politiques. Or, pour Robespierre, “chaque citoyen a le droit de concourir à la loi, et dès-lors celui d'être électeur ou éligible, sans distinction de fortune [...] Sinon, il n'est pas vrai que tous les hommes sont égaux en droits, que tout homme est citoyen” (séance du 22 octobre 1789). L’Incorruptible regrette que le destinataire de la lettre ait conservé la condition du marc d’argent : “Votre discours m’a paru plein d’excellentes idées. Elles sont toujours justes, et plusieurs sont profondes : mais je suis faché que vous aiez restreint votre pétition : au dessus du marc d’argent, c’est à dire la condition requise pour etre député à l’Assemblée nationale.” Pour Robespierre, toute restriction conditionnant le droit de vote ou d’éligibilité à un certain niveau de richesse est par essence contraire à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, comme il l’expose à son ami : “Toutes les dispositions qui attachent à un certain degré de fortune et la qualité de citoiens actifs et l’ilégibilité aux autres emplois publics sont proscrits par les mêmes principes et bien plus contraires encore, selon moi, aux droits des hommes et à la souveraineté du peuple”.

Au-delà d’un simple refus du suffrage censitaire, Robespierre défend notamment le droit de vote pour les comédiens et les juifs, comptant parmi les plus fervents défenseurs du suffrage universel masculin. Il évoque d’ailleurs un de ses propres discours sur le sujet, non publié à la date d’écriture de la lettre : “C’est sous ce point de vue que j’ai envisagé la question dans un ouvrage que j’avois fait avant que vous m’eussiez envoié le votre et que je vous communiquerai ; des raisons particulières ne m’ont pas permis jusqu’ici de le rendre public.” Il s’agit sans doute de son discours sur le marc d’argent, prononcé à l’Assemblée en avril 1791 : « Sur la nécessité de révoquer les décrets qui attachent l’exercice des droits du citoyen à la contribution du marc d’argent, ou d’un nombre déterminé de journées d’ouvriers ».

C'est la mention de la mort du jeune journaliste Élisée Loustallot, survenue le 19 septembre 1790, qui permet de dater la lettre : “Vous savez la mort de Loustallot : c’est une calamité publique. Elle a été précédée de circonstances extraordinaires qui en rendent la cause très suspecte. Camille [Desmoulins] doit prononcer aujourd’hui aux Jacobins l’éloge funèbre de cet intrépide défenseur et de cet illustre martyr de la liberté.”

La lettre s’achève sur un étrange post-scriptum, dans lequel Robespierre se prend à rêver d’un retour en Artois, loin de la vie politique parisienne à laquelle il prend pourtant part avec ferveur : “P.S. Il m’est venu une idée... qui me rit, parce que, si elle pouvait se réaliser, elle tendrait à me rapprocher de vous. Si je retourne en Artois, Béthune serait le lieu que j’habiterais avec le plus de plaisir”, Arras abritant trop de ses “nombreux et implacables ennemis”. Ce projet, très théorique, serait rendu possible par une nomination en tant que “président du tribunal de district” de Béthune.

Si le destinataire reste inconnu, on peut affirmer qu’il s’agit d’un ami de Robespierre, proche des idées républicaines et habitant en Artois en septembre 1790.

Crucial letter on the voting rights: Robespierre defends the right to vote for all, against any distinction between “active” and “passive” citizens based on money.
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