CAMINADE, Amédée (1785-1874)

Лот 58
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ID 1317654
Лот 58 | CAMINADE, Amédée (1785-1874)
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CAMINADE, Amédée (1785-1874)
Relation de mon voyage, comme prisonnier de guerre, dans les années 1813 et 1814.
Manuscrit autographe illustré. [circa 1815]

Manuscrit in-8 (232 x 182 mm), en français sur papier vergé, de 155 pages (dont le titre), suivi de 22 dessins originaux à l'encre, contrecollés sur des feuillets cartonnés bruns.
Demi-reliure moderne.
Provenance : Amédée Caminade -- manuscrit offert par lui à son neveu Abel Choppin (1839-1909), d'après une note autographe de ce dernier en début de manuscrit -- offert par lui à son fils aîné, René Choppin Ahudry de Janvry (1867-1944), d'après cette même note, datée du 20 janvier 1878.

- Montées en fin de volume :
1) Lettre autographe signée de Caminade à son père, Marc Alexandre Caminade de Castres, le 16 mars 1812. 3 pages de format in-8 (232 x 192 mm), à l'encre brune. Son père décéda la veille de l’écriture de cette lettre, le 15 mars 1812, à l’âge de 66 ans. Amédée Caminade lui écrivait être stationné à Innsbruck où il était tombé malade (fièvre). “Quel malheur j’ai éprouvé de voir ainsi s’altérer ma santé au moment de l’ouverture d’une campagne, au moment où j’en ai le plus besoin”. Il est alors “Capitaine adjoint à l’Etat-Major général du corps d’observation de l’armée d’Italie”.

2) Lettre autographe signée de Caminade à son beau-frère, Armand Boursy, à Glogau, le 18 avril 1812. 3 pages de format in-12 (232 x 194 mm). À propos du décès de son père, dont une lettre de son frère, arrivée juste avant celle-ci, l’avait déjà informé.

Fascinante relation de la captivité en Russie d'un officier napoléonien - précieux manuscrit enrichi de dessins originaux de son auteur, avec force détails sur la vie quotidienne.

Son récit commence en Saxe, le 2 mai 1813. "Obligé de parcourir une route qu’observaient des parts de Cosaques et de Prussiens depuis que nous l’avions quittée, je fus surpris inopinément par [des] hussards de la mort et me trouvait leur prisonnier...On me dépouilla de tout ce que je possédais à l’exception de quelques pièces d’or qu’heureusement et par précaution j’avais cachées d’avance dans la doublure de mon habit” (pp. 1-2). Le début du manuscrit relate son voyage aux côtés d'autres prisonniers, vers la Russie. Cette relation de captivité est une source tout à fait précieuse, sur la société russe de l'époque telle que perçue par un officier français.
Les sujets abordés sont nombreux, le premier étant pécunaire : “les paysans russes ne reçoivent ni l’or ni l’argent du pays, encore bien moins les monnoies étrangères, quelque connoissance qu’ils ayent d’ailleurs de la valeur de ces monnoies, ils ne prennent et ne veulent en payement que les Kopecks, monnoie de cuivre du pays [...] Le Kopeck, d’un usage si universellement répandu, est cependant une monnoie fort incommode en ce qu’elle est fort pesante et qu’il faut s’en charger d’un grand nombre pour ne pas risquer d’en manquer. Les personnes riches voyageant en poste sont tenues elles mêmes d’en faire suivre plusieurs sacs avec elles et de les renouveller à chaque ville de passage. On s’imagine facilement combien tout ce cuivre devait nous embarasser” (p. 60).
Pour "améliorer l'ordinaire" et pouvoir se sustenter et se vêtir convenablement, et sur conseil de ses camarades d'infortune, Caminade décide "d’uiliser ce que j’avais acquis dans l’art du dessin et de la peinture" (p. 98). Amédée le militaire avait en effet un frère, Alexandre-François Caminade, peintre de son état (1783-1862). Il n'est pas impossible que tous deux aient suivi, au moins un temps, un enseignement commun. Le manuscrit comprend une vingtaine de dessins, réalisés par Amédée avec un certain talent, et qu'il pense d'ailleurs comme une partie intégrante du récit, y faisant de nombreux renvois.
Amédée décide donc de se mettre en quête de mécènes et de commanditaires : "Il ne s’agissait quant à moi que d’oublier pendant les mauvais jours que j’étais officier poiur ne me plus considérer que comme artiste" (p. 98). Ses premières commandes payent peu : “un portrait pour cinq francs! Mais avec ces cinq francs j’aurais une paire de souliers et les miens ne valaient plus rien” (p. 99). “Mes pauvres camarades enviaient déjà mon sort et se plaignaient de n’avoir pas cultivé un talent quelconque qui leur permit d’imiter mon exemple”.

Ses talents de portraitiste seront bien utiles à Caminade, pour des questions financières mais aussi de protection : “Le 12, le major de police me fit appeler... il m’apprit qu’il allait se marier et qu’il désirait vivement pouvoir donner son portrait à sa future. L’amitié et la protection du major n’étaient pas à dédaigner, aussi m’empressai-je de commencer son portrait dès le lendemain" (p. 142).
L'officier s'attache à décrire le coût de la vie, en Russie : “Au 20 novembre, j’étais donc en possession de 32 roubles papier, et me trouvait déjà bien riche... Pour pouvoir apprécier à l’importance que j’attachais à une aussi faible somme que celle de 32 roubles, je donnerai de suite une idée du bas prix auquel on achète les objets les plus nécessaires à la vie. A Vologda, la viande de boeuf nous coustait six Kopecks la livre ; celle de mouton ou de veau huit Kopecks. La livre de pain blanc dix Kopecks ; celle de pain noir trois Kopecks et demi.[...] Les légumes sont également à bon marché et assez abondants ; les fruits manquent, je n’ai vu que de mauvaises pommes qu’on fait venir de Moscou, et qui reviennent de 15 à 20 Kopecks la pièce".
"Si les vivres étaient d’un prix peu élevé, il n’en était pas de même pour les vêtements et principalement pour les fourrures : ces dernières ne sont pas rares mais elles me parurent chères pour le pays” (pp. 100-101) - jusqu’à 400 roubles pour les plus chères, les plus communes en peau de mouton, dont se vêtissent les paysants, de 12 à 15 roubles. Se vêtir chaudement y est indispensable, car “Il n’est pas rare de voir le thermomètre marquer de 30 à 32 degrés Réaumur au-dessous de zéro [environ –37 à -40 °C]" (p. 101). Plus loin, Caminade déplore : “Il ne s’est pas passé de jour sans que le matin et le soir le thermomètre n’ait marqué 8 et 10 degrés Réaumur au-dessous de zéro. On rapporte un assez bon mot d’un français au sujet du climat de la Russie. On lui demandait à St Pétersbourg comment il trouvait le climat du pays : “je le trouve tout à fait original, répondit-il, car vous avez un hyver blanc et un hyver vert”” (p. 135-136).

Les maisons sont évidemment équipées en conséquence : "il y a des doubles fenêtres, fermant hermétiquement et presque toutes calfeutrées. Point de cheminées, mais de très grands poëles de fayence que l’on tient constamment échauffés”.
“A St Pétersbourg et à Moscou, quand le thermomètre descend à 20 degrés, le directeur de la police est autorisé, m’a-t-on dit, à prendre un arrêté pour défendre à tout propriétaire d’un traîneau de laisser son cocher stationner sur la voie publique...Le gouvernement, comme on le voit, s’en rapporte peu à l’humanité du maître envers son esclave : à Vologda, l’hyver dure sept mois..." (p. 136).

Au cours de son récit, Caminade évoque bien d'autres sujets : l'hygiène, qu'il juge déplorable ("pour [Les Russes], se baigner c’est obéir à une prescription de leur religion plutôt qu’à un besoin de propreté, car j’ai déjà dit combien les mesures de propreté sont négligées par eux" p. 101), les jeux et danses ("dans les bals on danse des walses, des écossaises, des matradoures, des cosaques anglaises, polonaises et russes, la danse du schal, la tempête, la sauteuse qui à Paris est la walse russe et enfin des quadrilles qui remplacent nos contredanses”, pp. 140-141), l'alcool ("la boisson ordinaire est la bière ou le Coisse. Le vin ne se boit qu’au dessert et dans de petits verres. On vous offre partout du Château Lafitte, du Château Margot et autres vins de France, du Madère, du Malaga, du Porto [...] mais malheur à celui qui se laisse séduire par ces indications le plus souvent menteuses : il ne tarde pas à être puni par des coliques et des dérangements d’estomac ; car la plupart de ces vins sont falsifiés et très nuisibles. J’en ai fait une ou deux fois la triste expérience, et depuis je m’en suis soigneusement abstenu", pp. 137-138) mais aussi le service militaire ("Le mariage n’exempte pas quand un appel est fait, on indique aux propriétaires des paysans le nombre de recrues qu’il ont à fournir et ces proprétaires désignent eux-mêmes ceux de leurs paysans qui marcheront comme soldats...On m’a assuré dans le pays même que plus d’un gouverneur, oubliant le devoir et l’honneur, s’est enrichi dans les opérations du recrutement en se faisant payer le prix d’illégales exemptions” pp. 141-142), ou encore le servage ("les domestiques sont eux-mêmes choisis parmi les esclaves et ne reçoivent aucun gage...Ils servent parfaitement bien parce qu’ils dépendant entièrement de leur maître qui, s’il est mécontent, peut le vendre ou les donner comme soldats quand vient l’époque de la réquisition”, p. 140)…
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