BRETON, André (1896-1966)

Лот 207
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ID 1173252
Лот 207 | BRETON, André (1896-1966)
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BRETON, André (1896-1966)
Manuscrit autographe signé, adressé à Jean-Jacques Pauvert. Sans lieu ni date [circa décembre 1956].
2 pp. sur un bifeuillet in-4 (320 x 212 mm), à l'encre noire, sur papier vergé de la première moitié du XVIIIe siècle, timbré "G[énéralité] de Dijon". À la suite de la signature de Breton, envoi autographe du même à l'encre rouge : "pour Jean-Jacques Pauvert, avec affection".

Importante lettre adressée par Breton à Pauvert, pour prendre sa défense au moment du "procès Sade".
Le 15 décembre 1956 s’ouvrait, devant la chambre correctionnelle, le « procès Sade », intenté par le Ministère public à l’éditeur Jean-Jacques Pauvert pour avoir publié plusieurs volumes des œuvres du « Divin Marquis ».
Pauvert était en réalité sous surveillance des autorités depuis plusieurs années -nombre d’ouvrages portant son nom étant suspectés d’être contraires aux bonnes mœurs.
Dans le cadre de ce procès, Pauvert reçoit le soutien de quatre auteurs : Jean Paulhan, son camarade littéraire de toujours (et qui, en parallèle, était lui aussi surveillé, étant l’auteur de la préface d’Histoire d’O, autre livre publié par Pauvert qui fit scandale), Jean Cocteau, Georges Bataille, et André Breton.
Les plaidoiries de Paulhan – « Vous auriez, vous, une jeune fille, vous préféreriez lui donner à lire le marquis de Sade plutôt que la Bible ? Et Paulhan de répondre : je n’ai pas du tout dit cela, mais je ne lui laisserais lire la Bible qu’avec précaution », et de Bataille - « Je suis bibliothécaire ; il est certain que je ne mettrai pas les livres de Sade à la disposition de mes lecteurs sans aucune espèce de formalité. Mais...les précautions voulues étant prises, j’estime que pour quelqu’un qui veut aller jusqu’au fond de ce que signifie l’homme, la lecture de Sade est non seulement recommandable, mais parfaitement nécessaire" - ébranlèrent quelque peu le président de séance. Breton ne put témoigner mais adressa une lettre à la Chambre, lettre qui malheureusement se perdit et ne put ainsi être citée à l’audience.
Il s’agit du présent manuscrit.
Breton débute cette lettre en citant Sade : « Je ne parle qu’à des gens capables de m’entendre, ceux-là me liront sans danger ». Cette phrase, j’estime qu’on peut la prendre au pied de la lettre…[Sade] n’a de chance d’émouvoir au point d’influencer leur façon de penser et d’agir, que des êtres qualifiés à quelque titre pour atteindre d’emblée le contenu latent de ce qu’il dit ». Pour Breton, Sade n’est pas un « monstre de subversion dont il faut s’ingénier à effacer toute trace, mais bien de moraliste, dont la leçon ne doit, à aucun prix, être perdue…La culture, comme la liberté, étant à mes yeux une et indivisible, je témoigne, en mon âme et conscience, que, comme aucun autre, Jean-Jacques Pauvert remplit aujourd’hui son rôle et contribue grandement au rayonnement intellectuel de ce pays, quand il réédite Sade comme quand il réédite Littré ».
Pauvert de raconter : « le 10 janvier [1957], j’étais condamné, sans surprise, à deux cent mille francs d’amende. En outre, le tribunal ordonnait la confiscation et la destruction des ouvrages incriminés (La Traversée du livre, p. 249-250). « Trois semaines après, je mettais en vente l’Affaire Sade, reproduisant intégralement les plaidoiries, les témoignages et le jugement » La lettre de Breton y est reproduite. Il fait également appel.
Le jugement en appel est rendu le 12 mars 1958 : il confirme les conclusions du premier procès, mais supprime l’amende et l’obligation de détruire les livres. C’est une victoire pour Pauvert : "transporté par des considérants qui, en somme, me donnaient raison sur le fond, discutant seulement ce qui n’était à mes yeux, que des détails, je continuai à réimprimer tous les œuvres de Sade comme je l’entendais, et je n’entendis plus jamais parler de poursuites" (op. cit., p. 264).

Jean-Jacques Pauvert, La Traversée du livre, Viviane Hamy, 2004, en particulier les pp. 241-251 et 260-264. Manuscrit reproduit en noir et blanc pp. 245-246.


An important and enlightening letter sent by André Breton to the publisher Jean-Jacques Pauvert, at the time when the latter was accused of publishing morally reprehensible books, in that case several works by the Marquis de Sade.
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